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L'étude des toiles
On sait désormais qu’en position fermée, lorsque les volets étaient rabattus sur les tuyaux de l’orgue, le buffet présentait un programme iconographique dédié à l’annonce du ministère du Christ : au centre une grande scène peinte dans un camaïeu de gris (en grisaille) sur le thème de la Prédication de saint Jean-Baptiste - saint patron de la cathédrale - encadrée, en partie haute par l’Annonciation, et en partie basse, par les prophètes Moïse et Isaïe.
Faces extérieures des volets, visibles lorsque le buffet était fermé.
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Toile située en partie basse et représentant le prophète Moïse.
La toile est déformée, la couche picturale encrassée et altérée par les moisissures.
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Les études ont permis de préciser le mode de fabrication des toiles et d’exécution de la peinture, mais aussi d’apprécier la qualité technique de l’œuvre. Chaque toile est formée de plusieurs lés de tissu (de 90 cm de large), assemblés au moyen d’une couture fine et régulière. A priori, une fois les toiles assemblées au format du volet, un travail préparatoire a été réalisé sur les toiles étendues au sol. Celles-ci ont d’abord été encollées (application d’une couche d’apprêt à base de colle protéique, procédé visant à limiter l’absorption des couleurs dans la fibre) avant l’exécution du dessin à la mine graphite et la mise en place des principales masses colorées. Les toiles ont ensuite été montées et tendues sur les châssis puis peintes à la verticale, sans préparation intermédiaire. Sur les faces colorées, le dessin a été surligné par un tracé à la peinture noire. De nombreux éléments sont dorés : toutes les auréoles (dorure à la mixtion), certains ornements (bijoux, broderies), notamment présents dans la scène fastueuse du Festin d’Hérode.
La dépose des volets a aussi permis de découvrir l’état de conservation des toiles qui n’étaient plus visibles depuis leur installation au-dessus de la porte de Bethléem en 1843. C’est d’ailleurs cet accrochage qui est à l’origine des principales dégradations identifiées sur les toiles. Celles-ci souffrent essentiellement d’un développement de moisissures, généré et entretenu par leur confinement contre les maçonneries. Les moisissures ont affaibli la structure mécanique de la fibre textile et ont dégradé la couche picturale. Dans les zones les plus touchées, la toile se défibre et le film peint est atteint par des auréoles colorées (blanche, noire, jaune, fuchsia). Cette altération de la couleur est irréversible. Les toiles sont aussi lourdement empoussiérées et encrassées.
L'étude des châssis
La dépose des volets et des toiles a permis d’examiner, pour la première fois, la structure en bois formant les châssis, de mieux comprendre sa fabrication et de connaître son état de conservation.
Les deux volets, conçus de la même manière, sont formés chacun de quatre montants verticaux et sept traverses aux largeurs variables (3 cm pour les traverses les plus fines et 20 cm pour les montants les plus larges). Six pièces obliques viennent contreventer cette haute structure et ainsi éviter sa déformation lors des manipulations.
Les montants périphériques ont été réalisés d’un seul tenant, cela représente des pièces de bois de plus de 10 mètres de long. Les longueurs des montants intermédiaires ont été obtenues par l’aboutage de plusieurs pièces.
Les assemblages des montants et traverses sont à mi-bois, maintenus par de nombreux clouages ; certains sont renforcés par des platines métalliques fixées avec des clous forgés.
Les volets étaient accrochés aux montants latéraux du buffet et articulés par l’intermédiaire de 7 charnières métalliques disposées à égales distances les unes des autres. Les pentures sur le buffet et les charnières correspondantes sur les châssis sont intégralement conservées. Les deux éléments femelles formant l’attache étaient liaisonnés par une goupille.
L’observation des châssis a aussi livré des informations nouvelles pour la compréhension du système de mise en mouvement. Les percements découverts au niveau de l’angle inférieur de chacun des châssis ont probablement servi au passage d’une corde ou à l’accrochage d’un lien utilisé pour l’ouverture et la fermeture des volets.
Charnières fixées sur le châssis.
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Percements dans l’angle inférieur des châssis, permettant sans doute le
passage d’un cordage pour l’ouverture et la fermeture des volets.
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Un montant fragilisé par une attaque de capricorne.
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Stockage des châssis dans la zone de chantier.
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D’excellente facture, les châssis ont peu souffert de leur utilisation sur le buffet d’orgue. Les fentes et fissures observées sont dues au mouvement naturel du bois, elles restent superficielles et n’affectent pas fondamentalement la solidité de l’ouvrage. En revanche, certaines pièces ont été ciblées par une attaque d’insectes xylophages, notamment des capricornes, dont les galeries affaiblissent la cohésion du bois. Heureusement, cette infestation, ancienne, reste localisée aux deux montants proches l’un de l’autre lorsque les volets étaient fermés.
Lors de leur dépose au XIXe siècle, sans doute pour faciliter le transport, certaines parties aux extrémités hautes et basses des châssis ont été sciées, et sont désormais désolidarisées de l’ensemble. Leur accrochage au-dessus de la porte de Bethléem a accentué la corrosion des éléments métalliques conservés face aux murs, mais les bois n’ont pas été atteints par la contamination fongique.
Le démontage des châssis est inenvisageable : les clous utilisés en très grande quantité ne peuvent pas être retirés sans causer des casses irréversibles. C’est la raison pour laquelle il a été décidé de conserver les deux châssis sur une structure adaptée, dans la cathédrale, jusqu’à leur traitement.